Le projet ArchéoMartres
Association à but non lucratif, fortement impliquée sur la scène culturelle et scientifique locale, l'AMA concourt à la réussite du programme collectif de recherches (PCR) "ArchéoMartres", soutenu depuis 2017, par la Direction Régionale des Affaires Culturelles de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Il a pour objectif l'étude scientifique et la valorisation des collections gallo-romaines de la nécropole des Martres-de-Veyre, conservées au musée Bargoin de Clermont Auvergne Métropole. Ce programme associe déjà plusieurs institutions : le musée Bargoin, l'Université Clermont Auvergne, la Maison des Sciences de l'Homme. En 2018, il a également reçu le soutien du Conseil Départemental du Puy-de-Dôme.
Depuis le XIXe siècle, la commune des Martres-de-Veyre livre des vestiges archéologiques de toutes les périodes. Les premières découvertes d'importance sont fortuites et liées à la construction de la ligne de chemin de fer, ainsi qu’à l’extraction de l’argile pour le compte d’une tuilerie. L'ensemble est encore documenté de façon assez hétéroclite, mais la période gallo-romaine a retenu l'attention en raison du développement indépendant d’une petite agglomération secondaire aux Ier et IIe siècles de notre ère dans le secteur du "Lot". Celle-ci est connue par des découvertes éparses : installations artisanales surtout liées au travail de l'argile (fours de potiers, céramiques sigillées), moulin à eau et nécropole mixte. C'est elle qui fait l'objet du PCR ArchéoMartres
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Des fouilles ponctuelles sont menées aux Martres-de-Veyre par des érudits locaux en 1851, 1893 et 1922-23. La nécropole gallo-romaine est mixte : inhumations en pleine terre ou en cercueil, et incinérations. La postérité a retenu le nom d'Auguste Audollent, ancien membre de la prestigieuse Ecole française de Rome, directeur du musée et doyen de la Faculté des Lettres de Clermont, comme étant l'inventeur de ces découvertes. Ce dernier a en effet collecté, ordonné et publié la documentation issue des premières explorations mais n'a conduit que les fouilles de 1922-23. D'autres grands artisans de notre connaissance de ce secteur du site doivent être mentionnés parmi lesquels Jean-Baptiste Bouillet, ancien directeur du musée, dépêché sur place, qui sauve une part substantielle des objets en les ramenant au musée, et Jacques-Emile Kuhn, ancien maire de Chamalières, qui fut sans doute "le" fouilleur de la nécropole. Ils sont presque oubliés aujourd'hui, alors que des archives publiées ou inédites témoignent de leur implication. Les découvertes exceptionnelles défrayent la chronique au XIXe siècle en raison de l'extraordinaire état de conservation des matériaux organiques dans les tombes. A l'exception de pièces récupérées sur place par des inconnus au moment des fouilles, ou de la détérioration involontaire d'autres objets, les découvertes ont été ramenées au musée Bargoin qui en assure toujours la conservation.
Les collections du musée comprennent, en fonction des matériaux :
- Des objets de bois : au moins un cercueil, des pyxides (petites boîtes) tournées, un peigne à cheveux, un fuseau, des fusaïoles,
- Deux corbeilles en vannerie,
- Des offrandes végétales : feuillages, fruits dont des pommes, des noisettes et des raisins,
- Une bonne centaine de pièces textiles souvent fragmentaires, majoritairement en laine. La pièce maîtresse, une tunique de laine, est mondialement connue et a longtemps servi d'emblème au musée Bargoin.
- Des chaussures en cuir, bois et liège
- Des fioles de verre,
- Des céramiques, offrandes ou urnes funéraires contenant encore leurs ossements brûlés, quelques figurines de terre cuite,
- Des monnaies, et peut-être des bijoux ou fibules,
- Des restes humains : ossements, chevelures complètes, mèches de cheveux,
Ce rapide inventaire ne donne qu'une faible idée de la richesse exceptionnelle des collections et de leur extraordinaire potentiel. Si l'étude des objets eux-mêmes est au cœur des problématiques du PCR ArchéoMartres, elle n'en constitue qu'un aspect
En effet, de recherches préalables ont permis de disposer d'archives inédites de fouilles permettant de localiser précisément la nécropole, ce qui ne pouvait être obtenu à partir des seuls travaux publiés et de documenter les découvertes (description des tombes et de leur contenu notamment). L'inventaire inédit d'une part substantielle des fragments textiles dressé par Mme Sophie Desrosiers en 1996-1997, est désormais disponible, cette dernière en ayant fait généreusement don au musée. De cet inventaire, il ressort la présence d'une seconde tunique, arrachée par morceaux à son cercueil au moment de la fouille. D'un autre type que la tunique connue de tous, celle-ci demande à être encore examinée.
Une série de quatre inventaires dressés par le musée Bargoin dans le cadre de son récolement : Objets par tombe, Fragments de cercueil et coffrage en bois, Fragments textiles - Les Martres-de-Veyre (réalisé avant l'arrivée des archives Desrosiers), Fouilles d'Auguste Audollent, Les Martres-de-Veyre (1922), autorisent à croiser les informations. Enfin, l'identification de la tombe I (celle dont le cercueil anonyme fut exposé durant de longues années dans les salles du musée) et la redécouverte de son contenu encore en place en 2014, permettent d'avoir une "tombe-étalon" guidant la compréhension des gestes funéraires.
Le programme de recherche vise ainsi à étudier de façon intégrée une nécropole mixte du Haut-Empire, qui n'a jamais bénéficié d’une étude complète. Plus spécifiquement, cinq grands axes de recherche se dessinent :
- localiser précisément la nécropole, et mieux cerner les limites de l’agglomération gallo-romaine. Cet objectif est atteint grâce aux archives inédites et à la géolocalisation des entités archéologiques connues.
- comprendre dans le détail les pratiques funéraires (inhumations et crémations) en apportant des éléments nouveaux, en dépit de la perte de nombreuses informations en raison de méthodes de fouille inappropriées au moment des découvertes. La vingtaine d'urnes cinéraires devrait faire l'objet d'une fouille en laboratoire en associant anthropologie funéraire, archéozoologie, et paléobotanique. Des spécialistes des antennes locales de l'Inrap ont été pressentis.
- étudier les textiles. La collection est exceptionnelle, non par la nature de ces pièces, mais par leur rareté archéologique. Elle se compose d’une série de pièces vestimentaires (deux tuniques, ceintures, couvertures, fragments en tapisserie, etc.) montrant des techniques variées rarement réunies sur un seul site. Au-delà de cette collection, c'est l'artisanat textile à l'époque gallo-romaine qui est visé, ainsi que les usages des textiles en contexte funéraire.
- développer les approches environnementales adéquates, pour compléter d'une part l’analyse des vestiges organiques (textile, bois, cuir, liège, végétaux) et reconstituer l'environnement du site, et d'autre part, pour identifier les matériaux qui circulent et documenter techniques et savoir-faire.
- réexaminer le mobilier plus habituel : céramique, verre, mobilier métallique.
Une dernière question sous-tend l'ensemble de l'étude : identifier le phénomène qui est à l'origine de l’excellente conservation de ces vestiges organiques, qui de surcroît, ne s’altèrent pas en musée et ne nécessitent quasi aucune action spécifique. L'une des hypothèses est la présence de sources hydrothermales à proximité des inhumations ayant produit du gaz carbonique, mais aucune vérification concrète n’a jamais été fournie.
Ces recherches longues, et parfois coûteuses, sont aussi pensées pour permettre la restitution auprès du grand public de l'avancée des connaissances qui découlent de la reprise de l’étude d'un site majeur.