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patrimoine scientifique ou historique

Le projet ArchéoMartres

1 Octobre 2018, 19:35pm

Publié par Catherine BRENIQUET

Association à but non lucratif, fortement impliquée sur la scène culturelle et scientifique locale, l'AMA concourt à la réussite du programme collectif de recherches (PCR) "ArchéoMartres", soutenu depuis 2017, par la Direction Régionale des Affaires Culturelles de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Il a pour objectif l'étude scientifique et la valorisation des collections gallo-romaines de la nécropole des Martres-de-Veyre, conservées au musée Bargoin de Clermont Auvergne Métropole. Ce programme associe déjà plusieurs institutions : le musée Bargoin, l'Université Clermont Auvergne, la Maison des Sciences de l'Homme. En 2018, il a également reçu le soutien du Conseil Départemental du Puy-de-Dôme.


Depuis le XIXe siècle, la commune des Martres-de-Veyre livre des vestiges archéologiques de toutes les périodes. Les premières découvertes d'importance sont fortuites et liées à la construction de la ligne de chemin de fer, ainsi qu’à l’extraction de l’argile pour le compte d’une tuilerie. L'ensemble est encore documenté de façon assez hétéroclite, mais la période gallo-romaine a retenu l'attention en raison du développement indépendant d’une petite agglomération secondaire aux Ier et IIe siècles de notre ère dans le secteur du "Lot". Celle-ci est connue par des découvertes éparses : installations artisanales surtout liées au  travail de l'argile (fours de potiers, céramiques sigillées), moulin à eau et nécropole mixte. C'est elle qui fait l'objet du PCR ArchéoMartres

.
Des fouilles ponctuelles sont menées aux Martres-de-Veyre par des érudits locaux en 1851, 1893 et 1922-23. La nécropole gallo-romaine est mixte : inhumations en pleine terre ou en cercueil, et incinérations. La postérité a retenu le nom d'Auguste Audollent, ancien membre de la prestigieuse Ecole française de Rome, directeur du musée et doyen de la Faculté des Lettres de Clermont, comme étant l'inventeur de ces découvertes. Ce dernier a en effet collecté, ordonné et publié la documentation issue des premières explorations mais n'a conduit que les fouilles de 1922-23. D'autres grands artisans de notre connaissance de ce secteur du site doivent être mentionnés parmi lesquels Jean-Baptiste Bouillet, ancien directeur du musée, dépêché sur place, qui sauve une part substantielle des objets en les ramenant au musée, et Jacques-Emile Kuhn, ancien maire de Chamalières, qui fut sans doute "le" fouilleur de la nécropole. Ils sont presque oubliés aujourd'hui, alors que des archives publiées ou inédites témoignent de leur implication. Les découvertes exceptionnelles défrayent la chronique au XIXe siècle en raison de l'extraordinaire état de conservation des matériaux organiques dans les tombes. A l'exception de pièces récupérées sur place par des inconnus au moment des fouilles, ou de la détérioration involontaire d'autres objets, les découvertes ont été ramenées au musée Bargoin qui en assure toujours la conservation.

Les collections du musée comprennent, en fonction des matériaux :

- Des objets de bois : au moins un cercueil, des pyxides (petites boîtes) tournées, un peigne à cheveux, un fuseau, des fusaïoles,
- Deux corbeilles en vannerie,
- Des offrandes végétales : feuillages, fruits dont des pommes, des noisettes et des raisins,
- Une bonne centaine de pièces textiles souvent fragmentaires, majoritairement en laine. La pièce maîtresse, une tunique de laine, est mondialement connue et a longtemps servi d'emblème au musée Bargoin.
- Des chaussures en cuir, bois et liège
- Des fioles de verre,
- Des céramiques, offrandes ou urnes funéraires contenant encore leurs ossements brûlés, quelques figurines de terre cuite,
- Des monnaies, et peut-être des bijoux ou fibules,
- Des restes humains : ossements, chevelures complètes, mèches de cheveux,

 

Le projet ArchéoMartres

Ce rapide inventaire ne donne qu'une faible idée de la richesse exceptionnelle des collections et de leur extraordinaire potentiel. Si l'étude des objets eux-mêmes est au cœur des problématiques du PCR ArchéoMartres, elle n'en constitue qu'un aspect

En effet, de recherches préalables ont permis de disposer d'archives inédites de fouilles permettant de localiser précisément la nécropole, ce qui ne pouvait être obtenu à partir des seuls travaux publiés et de documenter les découvertes (description des tombes et de leur contenu notamment). L'inventaire inédit d'une part substantielle des fragments textiles dressé par Mme Sophie Desrosiers en 1996-1997, est désormais disponible, cette dernière en ayant fait généreusement don au musée. De cet inventaire, il ressort la présence d'une seconde tunique, arrachée par morceaux à son cercueil au moment de la fouille. D'un autre type que la tunique connue de tous, celle-ci demande à être encore examinée.

Une série de quatre inventaires dressés par le musée Bargoin dans le cadre de son récolement : Objets par tombe, Fragments de cercueil et coffrage en bois, Fragments textiles - Les Martres-de-Veyre (réalisé avant l'arrivée des archives Desrosiers), Fouilles d'Auguste Audollent, Les Martres-de-Veyre (1922), autorisent à croiser les informations. Enfin, l'identification de la tombe I (celle dont le cercueil anonyme fut exposé durant de longues années dans les salles du musée) et la redécouverte de son contenu encore en place en 2014, permettent d'avoir une "tombe-étalon" guidant la compréhension des gestes funéraires.

Le programme de recherche vise ainsi à étudier de façon intégrée une nécropole mixte du Haut-Empire, qui n'a jamais bénéficié d’une étude complète. Plus spécifiquement, cinq grands axes de recherche se dessinent :

 

Le projet ArchéoMartres

- localiser précisément la nécropole, et mieux cerner les limites de l’agglomération gallo-romaine. Cet objectif est atteint grâce aux archives inédites et à la géolocalisation des entités archéologiques connues.
-  comprendre dans le détail les pratiques funéraires (inhumations et crémations) en apportant des éléments nouveaux, en dépit de la perte de nombreuses informations en raison de méthodes de fouille inappropriées au moment des découvertes. La vingtaine d'urnes cinéraires devrait faire l'objet d'une fouille en laboratoire en associant anthropologie funéraire, archéozoologie, et paléobotanique. Des spécialistes des antennes locales de l'Inrap ont été pressentis.


- étudier les textiles. La collection est exceptionnelle, non par la nature de ces pièces, mais par leur rareté archéologique. Elle se compose d’une série de pièces vestimentaires (deux tuniques, ceintures, couvertures, fragments en tapisserie, etc.) montrant des techniques variées rarement réunies sur un seul site. Au-delà de cette collection, c'est l'artisanat textile à l'époque gallo-romaine qui est visé, ainsi que les usages des textiles en contexte funéraire.


- développer les approches environnementales adéquates, pour compléter d'une part l’analyse des vestiges organiques (textile, bois, cuir, liège, végétaux) et reconstituer l'environnement du site, et d'autre part, pour identifier les matériaux qui circulent et documenter techniques et savoir-faire.


- réexaminer le mobilier plus habituel : céramique, verre, mobilier métallique.


Une dernière question sous-tend l'ensemble de l'étude : identifier le phénomène qui est à l'origine de l’excellente conservation de ces vestiges organiques, qui de surcroît, ne s’altèrent pas en musée et ne nécessitent quasi aucune action spécifique. L'une des hypothèses est la présence de sources hydrothermales à proximité des inhumations ayant produit du gaz carbonique, mais aucune vérification concrète n’a jamais été fournie.
Ces recherches longues, et parfois coûteuses, sont aussi pensées pour permettre la restitution auprès du grand public de l'avancée des connaissances qui découlent de la reprise de l’étude d'un site majeur.

 

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Les herbiers, entre science et tradition

20 Janvier 2014, 21:06pm

Publié par AMA

Museum Henri LECOQ/ département de botanique

 

Un herbier est une collection de plantes séchées conservées entre des feuilles de papier. C'est  à Luca Ghini (1490-1566), médecin et professeur de botanique à Bologne, qu'est attribuée  l' « invention » de l'herbier vers 1550. Jusqu'à cette époque la botanique était une activité d'intérêt médical. Cette innovation lui permet de s'affranchir de la médecine et de devenir une science de l'observation.

Au XVIe siècle on ne parlait pas encore d'herbier mais de jardin sec, hortus siccus ou de jardin d'hiver, hortus hyemale. C'est seulement au XVIIIe siècle que le mot herbier fut employé pour désigner une telle collection.

 

DE LA COLLECTE AU CLASSEMENT

Tout commence par l’herborisation, sortie sur le terrain au cours de laquelle on récolte des plantes, si possible entières (tige, feuilles, fleurs et racines). Elle est suivie de la détermination: trouver le nom scientifique à l'aide d' ouvrages spécialisés, appelés Flores, et  d'appareils comme la loupe binoculaire.

Ensuite vient le séchage : les plantes sont étalées en position naturelle, placées entre des feuilles de papier absorbant puis pressées. Toute l’eau de la plante doit disparaître pour assurer une bonne conservation de l’herbier.

Lorsque les plantes sont totalement déshydratées, on les fixe par des bandelettes de papier gommé sur des feuilles de papier, c’est lattachage. Dans des herbiers anciens on trouve des plantes cousues sur le papier, maintenues par des épingles ou insérées dans de fines incisions du papier.

Puis on appose une étiquette mentionnant le nom de la plante, sa date et son lieu de récolte, le nom du récolteur. L'ensemble, plante et étiquette avec ses données, constitue une part d'herbier.

Enfin il convient de classer des plantes selon les familles, genres et espèces.

Gardé à l’abri de l’humidité et régulièrement traité contre les insectes, un herbier se conservera très longtemps : ainsi au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, certains datent  du XVe siècle.

 

 

Les collections du Muséum Henri-Lecoq

Le muséum Henri-Lecoq abrite un peu plus de 100000 parts d’herbier, images de 200 ans de botanique, la planche la plus ancienne datant de 1790. Ce sont des plantes de France et d’Europe. On y trouve des algues, des mousses, des lichens, des fougères, et des plantes à fleurs (dont les arbres) mais aussi des champignons autrefois considérés comme végétaux.

 

Henri Lecoq (1802-1871)

Trefle-rouge.JPGPharmacien, directeur du jardin botanique et du muséum de la Ville de Clermont-Ferrand, il fut le premier professeur de la chaire d’Histoire naturelle de l'Université clermontoise.

Son herbier est constitué de ses propres collectes (Nord, Massif central, Alpes, Provence et Corse) auxquelles s’ajoutent celles envoyées par des correspondants et/ou amis botanistes comme Mougeot (Vosges), Renou (Nantes) ou Nylander (Finlande).  Lecoq a aussi acquis les herbiers  de Fleurot (Dijon) et  de Prost (Mende). Toute la flore française y est donc présente, ainsi qu'une bonne part de la flore européenne.

Cette collection a servi de base à Lecoq pour réaliser son « Catalogue raisonné des plantes vasculaires du plateau central de la France », en collaboration avec Martial Lamotte (1848) ainsi qu’un ouvrage en neuf volumes « Etudes sur la géographie botanique de l’Europe et en particulier sur la végétation du plateau central de la France » (1854).

 

lupin.JPGLouis Brévière (1846-1912)

Louis Brévière était Conservateur des Hypothèques à Ambert. En 1923, sa veuve fait don au musée de l’herbier de son mari. Il est constitué de plantes Phanérogames d’Auvergne (5000 échantillons) récoltées entre 1870 et 1905, très bien préparées, souvent une en fleur et une en fruits.

Plus remarquable est son herbier de Cryptogames qui lui n’a pas été mélangé à celui de Lecoq : Cryptogames d’Europe et d’Algérie (1017 parts réunies en 21 fascicules) et surtout les Cryptogames d’Auvergne (2814 parts réunies en 54 fascicules) qui renferme Algues, Lichens et Bryophytes.

 

 

Eugène Jordan de Puyfol (1827-1891)

Gentiane.JPGOriginaire de Dôle dans le Jura, c’est à la suite de son mariage qu’il se fixe en Auvergne. Il fut maire de Raulhac(15) et juge de paix à Mur de Barez (12).  En quarante ans d'herborisations il se constituera  un herbier personnel, actuellement conservé au Muséum des Volcans à Aurillac, ainsi qu'un herbier de « doubles »  dans lequel certaines espèces, récoltées le même jour et dans la même station sont présentes par dizaines. On appelle ces lots destinés aux échanges des centuries. C’est ce second herbier (187 liasses) qui a rejoint le musée Lecoq.

 

 

Frère Anthelme (1840-1909)

Le frère Anthelme, de son vrai nom Pierre Legay, natif de Mazayes (63), était un frère mariste. Enseignant passionné par la botanique et les sciences naturelles, il était en relation avec des personnalités scientifiques comme Héribaud.

Son herbier, parvenu au musée en 1993, est formé de 16 paquets (2179 parts) de plantes bien préparées, localisées, identifiées et datées. Elles proviennent du Rhône, de la Loire, de l’Ardèche, du Puy-de-Dôme et des Alpes.

Le Frère Anthelme avait constitué plusieurs herbiers à des fins pédagogiques dans chaque établissement où il a enseigné ; celui du musée est sans doute l’un de ceux-ci.

 

Charles de Parades de la Plaigne (1778- ?)

Originaire de Riom il fit une carrière militaire jusqu’en 1834. De retour en Auvergne, il devient maire de Marsat (63) en 1838. Il réalisa son herbier entre 1820 et 1830 avec des plantes de Corse et de la côte méditerranéenne française alors qu’il était en garnison à Ajaccio et à Toulon. La collection, constituée de 41 boîtes contenant environ 2000 parts, a été donnée au musée en 1996.

 

Féodor Jelenc (1911-2001)

Professeur de Sciences naturelles et brillant bryologue, il a réalisé une étude complète de la flore bryologique nord-africaine. Revenu en France, il a constitué, de 1965 à 1990, un herbier de mousses et hépatiques françaises comportant 13191 parts réparties en 127 boîtes. Il a aussi réuni en 63 liasses la plupart des phanérogames de la flore française.

 

 

UTILISATION DES HERBIERS

            La constitution d’herbiers a toujours été la base de travail des botanistes. Ces collections issues de leurs récoltes et de nombreux échanges sont un outil de recherche pour l'identification des plantes,  permettant  de leur  donner un nom et de les répertorier suivant une classification hiérarchisée.

            De cette fonction principale, découlent de nombreuses utilisations dans différents domaines des sciences végétales : phytothérapie, agronomie et production végétale, écologie, cartographie des habitats et inventaires floristiques, paléobotanique …

Les localités d'espèces, mentionnées sur les étiquettes, permettent de connaître la répartition territoriale des plantes, et notamment d'espèces aujourd'hui menacées; un herbier est donc un  fournisseur d'informations dans une optique de conservation de la flore.

C'est aussi une  banque de gènes qui peut être utilisée pour des recherches en biologie moléculaire.

Enfin, un herbier peut aussi intéresser d'autres disciplines comme l'histoire (herbiers de personnages célèbres), la linguistique ou la paléographie.

 

Depuis quelques années, les collections d'Histoire naturelle, et les Herbiers en particulier, connaissent un regain d'intérêt, compte-tenu notamment de l'augmentation de la demande d'informations en matière d'environnement. Modernisés, accessibles, correctement gérés, en relation avec un réseau vivant de spécialistes et de chercheurs, ces herbiers pourront remplir efficacement leur rôle dans la connaissance et la protection de la nature. Dans cette perspective, le muséum Henri-Lecoq a prévu la mise en ligne des données de ses herbiers, via le GBIF (Global Biodiversity Information Facility), base de données internationale.

 

 


 

Volubilis-4e-de-couverture.JPG

 

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Deux panneaux pour l'entrée de Jacques d'Albon

19 Janvier 2014, 23:34pm

Publié par S J RODIER

Le Musée d’Art Roger-Quilliot conserve dans sa salle consacrée aux arts de la Renaissance deux panneaux parquetés peints, au modèle relativement peu commun dans les collections muséales.

Mesurant respectivement 90 cm par 63 cm pour l’un et 95 cm par 70 cm pour l’autre, ils figuraient déjà en 1861, sous les n°40 et 41, au catalogue des collections du Musée d’Art et d’Histoire de Clermont-Ferrand. Provenant des archives de l’ancienne cité de Montferrand, ils étaient sans doute conservés parmi celles-ci depuis le milieu du XVIe siècle.

Montferrand, siège de juridiction royale

A l’époque Montferrand se revendique comme l’une des principales villes d’Auvergne. Fondée dans le premier quart du XIIe siècle par le Comte d’Auvergne Guillaume, elle fut constamment favorisée par ses successeurs qui cherchaient à disposer d’une cité capable de rivaliser avec Clermont, siège et possession de l’évêque. Poursuivant une stratégie similaire, les Valois s’en servent depuis le début du XVe siècle comme d’un poste avancé du pouvoir royal, dans le dos des Ducs de Bourbon, à deux pas de Riom, siège de la sénéchaussée ducale.

En 1425, c’était essentiellement dans ce but que Charles VII décidait d’installer un baillage royal à Montferrand. Le visage social de la ville fut profondément changé par l’importance qu’Hervé du Mesnil, le premier de ses baillis, réussit à donner à cette nouvelle juridiction [1]. A la bourgeoisie marchande, assez aisée mais peu nombreuse, s’adjoignit une bourgeoisie d’officiers et d’hommes de lois. L’arrivée dans la cité d’avocats et de plaideurs, venant parfois d’assez loin, assura de nouveaux profits aux commerçants et aubergistes. Grâce à ces nouveaux clients, l’activité des artisans pu également s’accroître.

En ce milieu du XVIe siècle, cette prospérité explique toute la vigueur mise par les habitants de Montferrand, et leurs consuls, à défendre leur baillage. Après la "trahison" du Connétable de Bourbon, le retour à la Couronne de l’apanage d’Auvergne vient de lui faire perdre l’essentiel de son rôle stratégique tandis que ses prérogatives réelles sont redevenues bien maigres avec la réaffirmation de celles du baillage de Saint-Pierre-le-Moustier[2].

C’est à l’aune de cette crainte du déclin que peuvent être étudiées les deux panneaux du MARQ.

Une allégorie et un blason

Sur le premier panneau est peint un personnage féminin, assis sur une estrade tirée par deux chevaux.

Les roues peintes du char, avec leurs rayons en balustre, sont caractéristiques du style de la renaissance.

Le paysage est simple. Le ciel n’est pas peint, le bois du panneau restant nu et le bleu étant réservé à la réalisation du fond de six phylactères. Le sol est représenté au naturel, vert ; le char roulant sur un chemin de terre caillouteux. Sans doute pour donner une sensation de relief, et de manière assez maladroite, le peintre a doté d’ombres toutes choses, des rênes du char à la chevelure du personnage, en passant par la plus petite des pierres.

La jeune femme est vêtue simplement, mais assez richement. Sur une cotte d’étoffe brune et aux manches longues, elle porte une robe rouge à manches courtes ; sur le tout, une cape bleue-verte, aux bords marqués par trois liserés dorés, est tenue par un cordon noué à l’épaule droite. Au cou, sur la chemise, un collier semble pourvu d’une médaille dissimulée sous la robe. Le décolleté carré de la robe est typique de la renaissance mais l’ensemble peut apparaître comme composite au regard de l’habillement des femmes de la cour à cette même époque. La chemise est ainsi fermée au niveau du cou masquant totalement la gorge. On peut aussi considérer que, plus que des aspects médiévaux, cet habillement présente des aspects provinciaux ou, plus simplement encore, que le peintre, voulant représenter une allégorie, a choisi de rendre plus simple et plus sage son personnage.

L’artiste a cherché à conserver les détails et un certain souci du réel. Les deux animaux - hongres ou étalons dont on distingue nettement les fourreaux péniens - sont ferrés, portent un harnachement complet et ont les crins de la queue noués. Le choix de leur robe par le peintre n’est sans doute pas anodin. Les chevaux auvergnats, notamment de trait ou demi-trait ayant en général une robe foncée, le choix du blanc présente vraisemblablement un caractère symbolique.

Malgré ce désir de vérité, le format du panneau a imposé au peintre une compression des objets. Le cheval du premier plan est ainsi presque difforme, le corps excessivement raccourci, le tronc réduit à presque rien.

Pour le cheval du second plan, le peintre a utilisé un artifice aussi peu naturel. Il l’a en effet représenté dans un plan situé derrière le char devant lequel il est censé être attelé.

Les plaques de poitrail des deux bêtes sont ornées des mêmes armes que celles portées sur le second panneau.

Sur celui-ci est en effet représenté, sur fond rouge, un blason qui se lit de sable (noir) à la croix d’argent (blanc) le tout chargé d’un lambel de gueules (rouge). L’écu est entouré du grand collier de l’Ordre de Saint-Michel.

La figure de l'archange terrassant le dragon est aisément reconnaissable sur le médaillon ornant le grand collier de l'Ordre de Saint-Michel (panneau armoirié)

Jean d'Albon-de-Saint-André, chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, père du maréchal de Saint-André, par l'atelier de Corneille de Lyon (tableau également visible au MARQ)

Dès 1934, Henri du Ranquet rejette l’hypothèse qui attribuait ces armes aux chevaliers de Saint-Jean-de-Ségur[3] et les identifient comme étant celles de Jacques d’Albon-de-Saint-André[4], maréchal de France et chevalier de l’Ordre de Saint-Michel[5]. [...]

Un maréchal de France en Auvergne

Les Albons de Saint-André

Jean d'Albon-de-Saint-André, huile sur panneau par l'atelier de Corneille de LyonDepuis le XIIIe siècle, génération après génération et par un jeu de subtiles alliances matrimoniales, la famille d’Albon a réussi à se hisser dans la meilleure noblesse du Lyonnais et du Forez, puis a solidement s’implanter en Bourbonnais et en Auvergne[6]. Parallèlement, sans doute aidée par sa proximité avec les sires de Beaujeu, ducs de Bourbon, elle s’est faite remarquée à la cour des Valois. Au début du XVIe siècle Guichard d’Albon[7] assure à plusieurs reprises des commandements militaires pour le Roi et il est désigné par celui-ci comme bailli de Montferrand. Son fils Jean, grand officier royal, chambellan des enfants de François Ier, est, tour à tour, gouverneur d’Auvergne et gouverneur du Lyonnais. [...]

C’est également en sa qualité de gouverneur d’Auvergne que se présente devant Montferrand, le 17 août 1550, Jacques d’Albon, dit le Maréchal de Saint-André, petit-fils et fils des précédents.

Le personnage mérite que l’on s’attarde quelques instants sur lui.

Elevé pour partie à la cour de France, Jacques d’Albon est des premiers compagnons d’Henri de Valois. Il en restera un proche toute sa vie.

Il semble que son union, en 1544, avec Marguerite de Lustrac ne fut pas appréciée par François Ier, tenant le jeune favori – un temps - éloigné de la cour. Mais en 1547, à la mort du Roi, sa position est rapidement assise. Avant même le sacre, il est nommé premier gentilhomme du Roi puis maréchal de France. Au sacre, il remplace Montmorency comme grand maître de France ; il a alors 34 ans.

Moins de deux ans plus tard, après une ambassade auprès d’Edouard VI[8], il est désigné aux charges laissées vacantes par le décès de son père, notamment à celle de Gouverneur du Lyonnais, du Dauphiné, de Haute et Basse Auvergne[9].

Quoiqu’illustre en son temps, le Maréchal de Saint-André reste aujourd’hui peu connu. Lucien ROMIER, dans l’ouvrage qu’il lui a consacré, le considère avant tout comme un favori habile qui dépensa sans compter pour le luxe de ses demeures[10].

Il semble qu'effectivement Jacques d’Albon ait été particulièrement jaloux du rang atteint par son père et par lui-même. Pour figure de sa devise il prend rien de moins que le glaive d’Alexandre-le-Grand[11] quand le Duc d’Orléans se choisissait une simple massue et le Duc de Bourgogne un rabot de charpentier.

Pour l’office de quarantaine, célébré sur ses terres de Saint-André dans l’hiver 1549-1550 suite aux obsèques de son père, il demande avec insistance la participation des villes des anciens gouvernements de son père. La ville de Lyon envoie ainsi quatre représentants auxquels elle fait faire des robes de deuil avec capuchon et qu’elle fait accompagner de vingt-quatre torches munies de ses armoiries[12]. Celle de Clermont décline « l’invitation » mais doit néanmoins faire dire une messe et se met en frais pour celà[13).

Les consulats de chaque ville allaient rapidement apprendre que cette exigence, déjà inhabituelle, ne serait que la première d’une longue série. [...]

A la fin du printemps suivant, ayant été désigné aux fonctions autrefois occupées par son père, Jacques d’Albon entreprend en effet une "tournée" dans les villes de ses "gouvernements". La plupart de celles-ci l’accueillent lors de cérémonies d’entrée solennelle et Montferrand ne fait pas exception.

 

Entrée solennelle et procession

Pour la ville, il en va alors de son prestige et de la reconnaissance de son rang parmi les bonnes villes d’Auvergne. A l’époque, ce cérémonial est pour une Cité l’occasion de se mettre en évidence auprès de son illustre visiteur. Aussi, Montferrand n’a t’elle jamais ménagé ses efforts lors des entrées solennelles des hauts personnages qui se sont successivement présentés devant ses murs, que ce soit le Connétable de Bourbon, Jean Stuart, le Duc d’Albanye, gouverneur d’Auvergne[14], François de Tournon, l’archevêque de Bourges ou le Roi de Navarre.

Alors que la venue de Saint-André est prochaine, ce souci du bien paraître est tel que les consuls de Montferrand prennent la précaution de bien s’informer sur la manière dont les autres villes reçoivent le nouveau gouverneur. Une rétribution est ainsi versée à Pierre Verdières « qui alla jusques a Gannat veoir la forme des entrees pour le rapporter a la ville »[15]. De la même manière, quinze ans plus tôt, Jean Bonhomme avait été envoyé à Riom pour vérifier de quelle façon cette ville se préparait à l’entrée du Roi et de la Reine de Navarre[16]. Il s’agit de ne pas faire chiche par rapport aux autres.

 

L’entrée dans une ville est un grand classique de l’affirmation du pouvoir royal, notamment au moment de l’accession au trône du souverain. Pour le Roi elle fait partie des quatre cérémonies majeures avec le lit de justice, le sacre et les funérailles[17] ; à la différence de ces deux dernières, elle peut être relativement fréquente[18].

Tout au long du XVIe siècle le rituel de l’entrée passe de plus en plus du schéma médiéval de l’entrée du Christ à Jérusalem, le jour des rameaux, au triomphe à la romaine, éventuellement combiné à des aspects nuptiaux (dont relève, pour partie, la cérémonie de remise des clefs) où chaque ville serait l’épousée[19].

Conservant des schémas de la procession religieuse, la procession d’entrée en ville est beaucoup plus bruyante et festive. On y joue des scènes et pour l’entrée solennelle de Jacques d’Albon à Montferrand, le « fatiste qui fist la composition du jeu qui fust joué » reçut deux écus de la ville[20). Des musiciens sont conviés et on banquette « en cher de veau, mouton que bœuf »[21]. Comme le fait remarquer Fabien SALESSE, Montferrand a un tel souci de s’affirmer que même la fête est prétexte à une compétition[22].

Le 17 août 1550, les consuls de Montferrand et « troys petitz enfenz vestuz de vert et de blanc, coleurs dudict seigneur»[23] [sic] accueillent donc le Maréchal de Saint André qui est accompagné de son cousin germain, Nectaire de Saint-Nectaire, gentilhomme de la chambre du Roi et bailli de Saint-Pierre-le-Moustier[24]. Le cortège se rend ensuite place des Taules où, comme à l’habitude, un échafaud a du être dressé pour les " discours ".

C’est sans doute sur cet échafaud que devaient être fixés les deux panneaux du Musée d’Art Roger-Quilliot.

Une allégorie

…de la Victoire…

Même si elle présente un visage serein et inspiré, très fréquent dans la peinture religieuse, la jeune femme représentée n’est pas une sainte et, jusqu’à présent, elle a toujours été considérée comme une allégorie de la victoire. Ses cheveux sont défaits, ses mains sont nues, la droite tenant fermement une lance ; sa tête est ceinte d’une couronne végétale dont on pourrait supposer qu’il s’agit d’une couronne de laurier.

Assise sur une lourde estrade tirée par deux chevaux, elle est représentée en situation de triomphe. Les représentations de ce type sont caractéristiques. Parmi les plus célèbres on peut penser aux exemples de l’Hôtel de Bourgtheroulde, à Rouen, qu’il s’agisse des quatre chars de triomphe du cycle de Pétrarque[25], de celui de Cybèle tiré par quatre lions ou de celui d’Hercule tiré par deux chevaux.  L’identification à une Athéna Nikë est donc cohérente.

Cette identification se trouve renforcé par un phylactère qui porte explicitement la désignation « Pallas », autre épiclèse d’Athéna et épiclèse d’ailleurs le plus fréquemment utilisé dans la France de la Renaissance.

Pallas porte des souliers bruns et une étoffe nouée en guise de ceinture mais c’est sa robe rouge qui quoique simple peut attirer notre attention la riche broderie qui l’orne, au moins sur sa partie supérieure. Peut-être est-ce purement esthétique ; peut-être ceci répond t’il à une volonté du peintre de la mettre en harmonie avec le fastueux cortège auquel Athéna, immobile,  participe néanmoins ; Peut-être aussi s’agit-il d’évoquer une caractéristique de cette femme qu’Homère nous décrit comme étant celle qui « laisse couler sur le sol de son père la robe souple et brodée qu'elle a faite et ouvrée de ses mains »[26].

Déesse de la Victoire, lorsqu’elle est Athéna Nikë, la déesse aux yeux pers est un personnage récurent des entrées solennelles. A Rouen, en février 1532, on fait ainsi défiler devant le dauphin et surtout Eléonore d’Autriche, nouvelle épouse de François Ier, trois chars portant Mercure, Junon et Pallas traînés par des animaux ou des muses, précédés d’allégories et suivies par une foule de divinités[27]. Le choix de deux déesses, l’une, sœur et épouse, et l’autre fille préférée de Zeus/Jupiter peut apparaître comme opportun lorsque l’on souhaite honorer – et éventuellement se concilier une Reine de France, sœur de Charles Quint.

Autre exemple, vraisemblablement connu des consuls de Montferrand : l’entrée royale dans Lyon d’Henri II et Catherine de Médicis. En 1548, parmi les scènes mythologiques qui sont jouées, celle qui est donnée place du Change représente un épisode du conflit entre Pallas et Poséidon au sujet d’Athènes[28].  Les magistrats de Lyon voyaient-ils alors leur ville en nouvelle Athènes ?!?

Jacques d’Albon se pense avant tout en soldat. Visiblement admiratif de la manière dont Alexandre de Macédoine régla la question du nœud gordien – dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’était pas des plus diplomatique – il a choisit pour devise "nodos virtute resolvo" - "la valeur se joue des difficultés" et considère, comme d’ailleurs la plupart des nobles de son époque, que c’est dans les faits militaires que la renommée doit se trouver. Même si on a du mal à estimer quels hauts fait saurait permis, en 1550, de l’invoquer, la présence de celle qui était la déesse de la guerre et de la victoire sur les panneaux accueillant le Maréchal de Saint-André ne pouvait que flatter celui dont on dit qu’il entendait être honoré à l'égal d'un prince, voire d'un Roi[29].

…recyclée…

Pour autant le haut et puissant seigneur Jacques d’Albon n’était ni l’un ni l’autre. La ville de Lyon s’était d’ailleurs étonnée de la demande du Maréchal de Saint-André d’une entrée solennelle[31] et, face au coût prévisible, le consulat avait préféré faire trancher la question par soixante cinq de ses principaux notables. Sans l’insistance du Maréchal de Saint-André, le consulat se serait volontiers contenté de l'honorer par un petit présent comme, dix ans auparavant, il l’avait fait à son père par l'offrande d'une coupe d’argent dorée.

De la même manière, si en 1533 la ville de Montferrand avait commandé à un orfèvre clermontois, pour 43 livres et demi, une pièce d’orfèvrerie représentant une montagne avec, à son pied, un lion couché devant une fleur de lys[32] afin de l’offrir à François Ier, il n’y a aucune trace d’un tel présent pour le gouverneur d’Auvergne. Pas de trace non plus d’un arc de triomphe et quelques musiciens seulement quand il avait fallu payer, pour l’entrée de François Ier, un tambourin de Suisse, dix trompettes à cheval venant de Vertaizon[33], des joueurs de rebecs et au moins seize ménestriers.

Pour Montferrand, le souci d’économie ne pouvait être absent face à une cérémonie pourtant forcément coûteuse. La dépense totale pour l’ensemble des manifestations faite à l’occasion de l’entrée de Jacques d’Albon atteignit deux cent vingt quatre livres, six sols, quatre deniers[34].

Montferrand veut faire des économies. Elle a donc « prins les escussons que estoyent au vieux pouelle[35qui avoist esté donne a la freyrie de la Feste-Dieu, pour mectre au poele a monsieur le marechal et gouverneur »[36].

Voilà pourquoi, si on observe plus attentivement les plaques de poitrail des chevaux du panneau du MARQ, sous le blason des Albon de Saint-André, on distingue un autre blason. Difficile à lire il semble être "au chevron" apparemment "accompagné de deux croix pattée en chef et d’un croissant en pointe". Le panneau est donc de ceux qui ont été réemployés, recyclés et il ne connaissait pas là sa première utilisation.

N’ayant pas encore réussi à identifier ces armoiries, intéressons nous au message de ce panneau.

ou une allégorie de la raison et du droit ?

D’abord, le plus simple à aborder, les inscriptions contenues dans les phylactères.

Quatre d’entre eux portent des noms de vertus :

Il s’agit des quatre vertus cardinales désignées ainsi car ce sont des vertus qui font la charnière dans le comportement humain. A la différence des trois vertus théologales, la foi, l’espérance et la charité[37], il s’agit de vertus morales dont le concept remonte à l’Antiquité païenne et que Platon présentait comme les vertus fondamentales nécessaires à l’Etat. Ces principes seront bien évidemment christianisés par une série de penseurs dont on peut citer Saint Augustin ou SSaint Thomas d’Aquin. Ce dernier, suivant Aristote et son souci du respect de la liberté individuelle, élabora une synthèse respectant les deux composantes de l’agir moral, la naturelle (vertus cardinales) et la surnaturelle[38].

A l’époque où ce panneau est réalisé, ce principe des vertus cardinales n’a encore eu à subir ni les contrecoups des réformes protestantes et tridentines, ni la sécularisation qui caractérisera la société à partir du XVIIIe siècle et qui sera particulièrement visible en France avec l’apparition de la vertu républicaine[39].

Ainsi ce panneau incite t-il à la prudence, la prudence qui ne doit pas être comprise dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui mais comme le l’analyse raisonnable des choses entraînant l’action rationnelle, et qui n’exclut donc pas l’héroïsme.

Vient ensuite la vertu qui doit régler ses relations à autrui : la justice.

Enfin sont les vertus qui portent sur la vie personnelle et qui permettent à chaque individu, en conscience et liberté, de gouverner son esprit et son corps : la tempérance, qui modère et règle les passions, et la force, qui est synonyme de résolution mais aussi de lucidité, de constance, bref de capacité à agir face aux obstacles et à ses propres faiblesses.

Vous me ferez alors observer que si sur ce panneau sont bien mentionnées la prudence, la justice et la tempérance, le quatrième phylactère invite à la magnanimité et non à la force. Il s'agit d'une vertu qui est souvent adjointe aux vertus cardinales et, si Thomas d'Aquin la considère comme une partie de la vertu « Force », elle était aussi, pour Ciceron, une vertu moins personnelle et plus politique, au même titre que la libéralité ou l’honnêteté, vertus nécessaires à un bon gouvernement.

S'opposant à la vanité qui pousse vers des buts qui ne peuvent être atteint, corollaire de la compréhension et de la clémence, elle est aussi, à la Renaissance[40], la vertu par excellence du magistrat.

Voilà qui semble intéressant, d’une part parce que le grand phylactère porte justement « Immortale aevum decori justicie » « Moment impérissable pour la gloire de la justice » et que, d’autre part, Montferrand est alors une ville d’hommes de loi.

Dans ce contexte, quel rôle pour Pallas !

Pallas et Pallas !

La Renaissance c’est la redécouverte de l’Antiquité gréco-romaine dans l’art, mais aussi la ré-appropriation de ses mythes. Pendant toute la période, Athéna est fréquemment représenté par les artistes. ….

De Léonard Sarson, par exemple, on connait une sculpture d’andésite représentant Pallas et qui se trouve, au MARQ, à deux pas de nos panneaux.

La déesse est représentée avec un léger déhanchement qui donne l’impression qu’elle marche. L’œuvre avait été commandée pour orner l’Hôtel de Ville de Clermont inauguré en 1581. S’il semble n’avoir travaillé qu’en Auvergne[41] - on trouve Léonard Sarson œuvrant au Moutier Saint-Robert de Montferrand en 1547, à l’Hôtel-Dieu en 1567, au Palais de Justice à la fin des années 1570 – son style est bien dans celui de l’époque. Bien sur les deux représentations sont distantes de plus de 30 ans[42mais leur comparaison a néanmoins quelque intérêt. La Pallas de Sarson est bien représentée en déesse de la guerre, toute caparaçonnée comme lorsqu’elle sortit de la tête de Zeus, elle est munie d’une lance, d’un casque et sur son bouclier est fichée la tête de Méduse. Seule la chouette représentée à ses pieds rappelle qu’elle est aussi la déesse de la sagesse.

L’Athéna du panneau est bien plus pacifique[43]. N’oublions pas que, née en armes, Athéna est aussi déesse de la sagesse, de la raison. Fille de Métis, le conseil, elle guide les Dieux lors de la gigantomachie et si pendant la Guerre de Troie, elle combat Arès, elle en conseille surtout les héros.

Déjà sous l’antiquité, elle était, par opposition à Arès, dieu brutal, la déesse d’une guerre réglée obéissant à des codes précis et reconnus. 

Elle donne à Béllérophon les rênes lui permettant de dompter Pégase. Remarquez justement  comme sur ce panneau les deux bêtes sont cabrées, langue sorties, semblant tendues vers l’action voire la fureur guerrière et comment Pallas en tient les rênes, solidement, presque sereinement.

Quand, en 1482, Boticelli la représente avec un centaure, elle incarne la raison maitre de la bestialité[44]


 

 

Représentée par Le Parmesan vers 1539 ou par Botticelli dès 1482, la chaste déesse est aussi la "déesse à l'opulente chevelure"

 

Outre Béllérophon, Pallas conseille aussi Héraclès ou Persée, autres tueurs de monstres, image du chaos et de la discorde. D'ailleurs elle n'assiste que les héros qui apportent la cohésion par la civilisation, respectent le droit, voire revendiquent le leur (Cadmos, fondateur de Thèbes, pourfendeur de dragon et introducteur de l’alphabet en Grèce, Télémaque, l’héritier légitime d’Itaque, etc).

Elle se fait aussi l’avocate d’Oreste face aux Erynies.

Elle est celle qui a donné à Athènes, sa constitution et son premier Tribunal[45]. Quand elle combat, c’est pour maintenir l’ordre et les lois.

Regardons là mieux sur ce panneau ! A sa tête, pas de casque mais une couronne d’olivier[46] et dans ses mains, aucun gorgoneion mais un registre ou un codex !

Jacques d’Albon – et beaucoup d’autres – on put la prendre pour une allégorie de la victoire, alors qu’elle est en réalité une allégorie de la raison, du bon conseil et surtout du droit.

Il reste encore à déterminer dans quelles circonstances ce panneau avait été initialement réalisé.

Simon RODIER

 

 

[d’après l’intervention "Brunch au MARQ" du  17 février 2013, « Montferrand, 17 août 1550… »]

 

Deux panneaux pour l'entrée de Jacques d'Albon

 

 

1 : BOSSUAT, André, Le baillage royal de Montferrand (1425-1556), Paris, PUF, 1957.
2 : Une autre rivale de Montferrand puisque siège d’un baillage s’étant vu reconnaître une juridiction exclusive sur les exempts royaux (établissements religieux ne relevant que du Roi)
3 : C'est-à-dire l’Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem ou Ordre de Malte.
4 : RANQUET, Henri (du), in Revue l’Auvergne Littéraire, Artistique et Historique, n°74, Clermont-Ferrand, 1934.
5 : comme le fut d’ailleurs son père Jacques d’Albon
6 : A ce sujet, on pourra utilement se reporter aux articles dématérialisés de Sébastien TOUZEAU (http://gw4.geneanet.org/charaltouvi?lang=fr;m=NOTES;f=Alliances)
 7 : Il était fils de Gillet d’Albon qui avait adjoint aux armes familiales le lambel de gueules, caractéristique des branches puinées, étant le fils cadet de Jean d’Albon de Lespinasse et de Guillemette De Laire. La branche aînée, celle des seigneurs de Saint-Forgeux à la suite de Guillaume d’Albon II seigneur de Curis, continua de blasonner simplement de sable à la croix d’argent.
 8 : Rien ne permet de croire, comme l’on écrit certains auteurs, qu’il fut fait à cette occasion chevalier de l’Ordre de la Jarretière.
 9 : Il semble qu’il s’agisse du renouvellement d’une faveur spéciale puisque si Jean d’Albon, son père, avait été nommé à cette fonction par Henri II, dès 1547, c’était déjà en contradiction totale avec un édit royal de 1545 dans lequel François Ier  proclamait qu’il n’y aurait plus aucun gouverneur dans les provinces n’étant pas des provinces-frontières.
10 : ROMIER Lucien, La carrière d'un favori : Jacques d'Albon de Saint-André, maréchal de France (1512-1562), Paris, Perrin, 1909.
11 : Celui-ci est ainsi visible sur la fontaine du château de Coutras, érigée sur les ordres du Maréchal de Saint-André et dite « Puit Henri IV ».
12 : Archives municipales de Lyon, Registres des délibérations consulaires, BB70 f°194 et suivants :
« Le vendredi vingt quatre(ièm)e jour de l’année l’an mil cinq cens quarante neuf, en la maison de sire Anthoine Boni aux Changes après midy.
Claude Laurencin seigne(ur) de Riverye, Françoys Duperier seigneur d’Ouzielles, Humbert de Masses, Anthoyne Bonis, Jehan Passy dict Bello, Guillaume Regnaud et Catherin Trys, Conseillers,
On estez leues, par lesdits seigneurs conseillers, les lectres missives escriptes par Monsieur le Maréchal Saint André, Lieutenant général et Gouverneur pour le Roy en la ville de Lyon et Pays de Lyonnays, à messieurs les lieuten(ants) Dupeyrat et Recepveur Martin de Troyes, par lesquelles l leur mande, entre aultres, que le Roy entend estre faictes les obsèques et funérailles de feu Mons(ieu)r de Sainct André, son père, jadis gouverneur et Lieutenant Général pour le Roy en ladicte ville et Pays de Lyonnoys le plus honorablement qui faire se pouvra et qu’il est très nécessaire que pour chacun des Pays où il estoit gouverneur y assistent deux ou troys des plus notables personnaiges et rep(rese)ntant le siège principal et icelluy pays avec leurs armoyries aux torches qu’ils porteront suyvant l’ordre qu’on leur declairera et que, à ces fins ils advertissent de bonne heure ceux de ceste ville pour assister à l’enterrement et quarentaine dudict feu seigneur de Sainct André son père au jour qu’il leur sera assigné.
Sur quoy, après avoir amplement délibérer par lesdicts seigneurs conseillers, estants adverty [par ledit s(eigneur) receveur Martins de Troyes] que le Roy et ledict seigneur Maréchal de Sainct André auront grand plaisir que la ville fasse honneur ausdicts obseques et funerailles ; Aussi que ceulx du pays de Beaujolays et autres Pays du gouvernement dudict feu seigneur de Sainct André font grand preparatives pour se trouves audict obsèques, ont estez commis et depputtez lesdicts s(eigneu)rs Claude Laurencin et Humbert de Masses, conseillers pour seulx trouver audict lieu de Sainct André audict jour de la quarantaine et marcher chacun eulx selon l’ordre qu’il leur sera baillé avec robbe de deuil ausdictz obsècques et funérailles.
Pour lesquelles robbes et chapperon de deul faire faire le plus honnorablement qu’ils pourront a esté ordonné à maistre Françoys Conlaud, recepveur des deniers communs, dons et octrois de ladicte ville payer à ch(acu)n desdicts Laurencin et De Masses la somme de douze escus qui sont vingt quatre sous po(ur) lesdictes robbes [de deul] et chaperon de deul dont a este pasé mandement ; et en oultre seront ramboursez des frais qu’ils feront tant allans, venans que se trouvans audict lieu de Saint André.
Aussi feront porter deux douzaines de torches avec les armoyries de ladicte ville pour assister ausdictes funérailles et obsèques lesquelles seront conduictes par l’ung des mandens de ladicte ville.
Pour faire faire lesdictes armoiryes a esté donné charge à Claude Archambaud mandens dudict consulat aussi de scavoir si l’on pouvra avoyr de messieurs les recepveurs de l’aumosne g(énér)alle de ceste ville des robbes de deul pour ceulx qui porteront lesdictes torches ; et portera Laurens Rana deux manches aux armoiryes de ladicte ville au devant desdicts seigneurs Laurencin et De Masses rep(rése)tans le corps commun de ladicte ville
. »
Le 6e jour de février, Humbert de Masses étant malade, Jehan Passy dit Bello est désigné pour le remplacer et représenter la ville à l’office de quarantaine.

13 : 
14 : Prince écossais mais époux de Jeanne de la Tour d’Auvergne, Comtesse d’Auvergne et de Boulogne
15 : Archives départementales du Puy-de-Dôme (AD63), CC426, 1550, pièce 42, f°4v°.
16 : Archives départementales du Puy-de-Dôme (AD63), CC249, 1535, f°30r°.
17 : BOUTIER, Jean, Un tour de France royal, Paris, 1984, p.288.
18 : Henri II honorera plus d’une trentaine de ville ainsi.
19 : BOUTIER, Jean, Ibidem, p.295.
20 : AD63, CC426, 1550, pièce 42, f°3r°.
21 :
22 : AD63, CC426, 1550, pièce 42, f°3r°.
22 : SALESSE, Fabien, Du désarroi à l'affirmation : l'identité montferrandaise  (XVe-XVIe siècle), Clermont-Ferrand, UBP Mémoire de maîtrise, 2001, p.90.
23 : AD63, CC426, 1550, pièce 42, f°2v°.
24 : A moins qu’il ne s’agisse de son fils François qui vient justement de servir sous les ordres du Maréchal de Saint-André
25 : Celui de la chasteté tiré par deux licornes, celui de la mort tiré par des bœufs, celui de la renommée tiré par des éléphants, celui du temps tiré par quatre chevaux, celui de la Trinité tiré par les quatre Vivants.
26 : HOMERE, Illiade, chant V.
27 : CHARTROU, J., Les entrées solennelles et triomphales à la Renaissance, 1486-1531, Paris, Presses Universitaires, 1928, P.82.
28 : On se rappelle de cet épisode fameux où le Roi des mers et sa nièce se disputaient la primauté sur Athènes et comment les présents d’Athéna furent préférés par les athéniens –et les athéniennes – à ceux de Posseidon.
29 : ROMIER Lucien, Ibidem, p. 250.
31 : Archives municipales de Lyon, Registres des délibérations consulaires, BB70 f°201 et suivants
32 : MANRY A.G., Histoire de Clermont Ferrand, Clermont Ferrand, 1993, p.222.
33 : Cette localité semble s'en être fait une spécialité puisque déjà, en 1527, pour l’entrée de Jean Stuart, gouverneur d’Auvergne, la ville de Montferrand avait fait venir six trompettes de Vertaizon.
34 : SALESSE Fabien, Ibidem.
35 : Servant habituellement dans les processions religieuses, élément essentiel de l’entrée, le dais (ou poelhe en occitan) est un attribut royal. A ce titre c’est derrière celui-ci – et non sous celui-ci – que les gouverneurs défilent (notamment Jacques d’Albon à Lyon en 1550 ou Jean de Foix, nouveau gouverneur du Dauphiné, à Grenoble en 1497).
36 : Archives départementales du Puy-de-Dôme, CC426, 1550, pièce 42, f°3v°.
37 : théologale puisque cette dernière vertu fait l’Union à Dieu par le témoignage d’amour.
38 : AUBERT, Jean-Marie, Vertus, in Dictionnaire de la spiritualité, Paris, 1994
39 : ou encore à la limitation de la vertu à la chasteté,  paradoxalement accompagnée à la même époque par la multiplication des types de vertus.
40 : et notamment depuis la "redécouverte" du "De Clementia" de Sénèque.
41 : DOCHER-CHARLES, Pierrette, Qui connaît Léonard Sarson, in Le Gonfanon, Clermont-Ferrand, 2008.
42 : En juin 1582 les élus de Clermont doivent accorder un crédit complémentaire à Léonard Sarson pour réaliser la statue.
43 : En comparaison, également, de l'Athéna du tableau "Minerve chassant les vices du jardin de la vertu" d'Andrea Mantegna (visible au Musée du Louvre)
44 : Le tableau est visible à Florence aux Offices.
45 : ESCHYLE, Les Euménides, v. 683-706 : "Écoutez maintenant ce qu'ici j'établis, citoyens d'Athènes, appelés les premiers à connaître du sang versé. Jusque dans l'avenir le peuple d'Égée conservera, toujours renouvelé, ce Conseil de juges. Sur ce mont d'Arès [...] désormais le Respect et la Crainte, sa soeur, jour et nuit également, retiendront les citoyens loin du crime. [...] Ni anarchie ni despotisme, c'est la règle qu'à ma ville je conseille d'observer avec respect. Que toute crainte surtout ne soit pas chassée par elle hors de ses murailles ; s'il n'a rien à redouter, quel mortel fait ce qu'il doit ? Si vous révérez, vous, comme vous devez, ce pouvoir auguste, vous aurez en lui un rempart tutélaire de votre pays et de votre ville tel qu'aucun peuple n'en possède [...] Incorruptible, vénérable, inflexible, tel est le Conseil qu'ici j'institue, pour garder, toujours en éveil, la cité endormie"
46 : l'un de ses atributs dont elle aurait fait pousser le premier plan à Athènes.

 

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